Je me souviens c’était le 11 février 2017, un samedi d’hiver comme les autres ou pas tout à fait.
J’avais rendez-vous pour un événement promotionnel dans un magasin de produits de santé et bien-être naturels. L’Odyssée d’Anha tenait un stand toute la journée sur le cycle menstruel féminin et offrait ses soins aux clientes.
C’était une journée importante à l’aube de l’ouverture de mon cabinet dans le centre de Bruxelles dans une coopérative de médecins.
J’avais reçu ma superbe banderole et préparé mes sacs cadeaux pour chaque cliente.
Mais il y avait une ombre au tableau, ce matin-là j’avais tenté de joindre mon père par téléphone sans succès.
Cela n’arrivait pas souvent sauf au cours des dernières semaines qui précédaient ce samedi 11 février.
Il commençait à s’embrouiller et à faire de mauvaises manipulations de son GSM.
Plus d’une fois, j’étais arrivée chez lui en panique, de peur qui lui est arrivé quelque chose alors qu’il n’avait simplement pas entendu ni vu mes appels.
Ce matin du 11 février, je ne voulais pas tout planter me rassurant que ce n’était sûrement qu’une de ces mauvaises manipulations.
Je me suis rendue à mon événement et la journée est passée.
Le lendemain, je tentai de la joindre, mais toujours rien.
Il y avait quelque chose de pesant sur moi et pourtant je ne fis rien de plus.
Comme tu le sais si tu me suis dans mes notes depuis le début de ce défi, nos relations n’étaient pas des plus simples.
À cette époque, j’avais tenté à de multiples reprises de l’intégrer davantage dans notre vie de famille, mais sans y parvenir.
Je sentais bien qu’il s’enfermait dans cette espèce de morosité morbide du vieil homme seul qui attend la fin.
Ce que je percevais de lui, c’est que cette solitude qu’il avait choisie lui avait ouvert les yeux sur certains de ses actes et comportements passés envers moi, sa mère, ma mère, un moment de bilan sur sa vie.
Je pouvais voir sa culpabilité sans que nous puissions en parler.
Une culpabilité qui lui interdisait d’accepter de recevoir l’amour, de vivre un peu de bonheur dans l’instant présent.
Face à un mur, j’avais baissé les bras.
Le lundi 13 février qui suivit, je ne pouvais plus résister à la panique en entendant ses tonalités toujours sans réponse.
Je me mis en route et c’est là que je le découvris gisant à moitié sur son lit, victime d’un AVC.
Il était inconscient, sa vie ne tenait plus qu’à un fil.
Il était là seul depuis 3 jours entendant mes appels sans pouvoir y répondre.
Il mourra un mois plus tard le jour du printemps.

Durant ce mois, je l’ai veillé chaque jour sans relâche. Aucun mot n’a été dit ou presque, mais nos âmes se parlaient à travers nos regards échangés.
C’est étrange, mais c’est le plus beau moment que nous ayons passé ensemble.
À son décès, j’ai ressenti une profonde injustice de ne pouvoir enfin profiter de cette relation avec mon père et…
Une profonde culpabilité..
La culpabilité de ne pas avoir agi plus vite.
Il m’a fallu un an de deuil pour commencer à reprendre ma vie en main.
Parfois encore, presque 6 ans plus tard, comme ces dernières nuits, je rêve de cet appel sans réponse, de ce moment où je l’aperçois gisant là.
Et c’est la petite fille en moi qui se réveille paniquée, apeurée et coupable.
Pourquoi ce rêve surgit-il encore ainsi, pourquoi cette culpabilité remonte-t-elle à la surface ?
Je n’ai pas de réponse si ce n’est que je ne me suis pas pardonné, le pourrais-je un jour..
De cœur à cœur,
Anha🌹